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New York, là où coula le flow pour la première fois

Lillian Nobilet

New-York est le berceau du Rap

Dans les années 70, c’est dans les clubs de ces quartiers afro-américains (Bronx, Queens, Harlem) que les premières mesures du Rap ont été battues. Dans des clubs, mais aussi dans des rues, où l’on détourne le courant des lampadaires pour amplifier le Beat, la musique, d’un DJ sur lequel un MC vient poser son flow, c’est-à-dire ses paroles.

Au départ le Rap, et le Hip Hop dans sa globalité, est une musique des marges, voire des marginalisés. Les artistes des années 70 et 80 qui ont « inventé » le Hip Hop seraient bien étonnés de voir aujourd’hui des compagnies de danse contemporaine intégrer du Hip Hop, des rappeurs récompensés aux Academy Awards, des graffeurs exposés dans des galeries d’art… Cela n’a bien sûr pas toujours été le cas. Le projet initial du Hip Hop tel que l’aspirait DJ Afrika Bambaataa, un des pionniers du genre, était de remplacer la violence des gangs par celles des mots.

Des mots nouveaux, mais aussi une nouvelle manière de faire de la musique

On ne mesure en effet pas toujours très bien l’art du mixage, qui est une véritable écriture. Un exemple remarquable, enregistré en une prise : « The adventurer of Grandmaster Flash on the Wheel of Steel », enregistré en 1981 par le DJ Flash (ayez la curiosité de chercher les références que je vous indique sur une plateforme d’hébergement vidéo).

« Rapper’s Delight » de Suggar Hill Gang qui parait en 1979 est une belle illustration de ce Rap qu’on pourrait qualifier de joyeux, festif. Vous avez tous entendu ce morceau, au bout de quelques mesures on a le pied qui bat le tempo. Les boucles ne sont pas des samples, mais une réinterprétation en studio de mesures du morceau « Good Times » de Chic, un groupe de Disco-Funk.

En 1979 pourtant, le Rap a déjà pris une tournure plus politique, militante : violence, drogue, police, discrimination. Les textes expriment la violence de la condition des communautés noires. En 1982 « The Message », morceau de 7 mn interprété par Grandmaster Flash et The Furious Five décrit un quartier rongé par la drogue et la violence. Il marque la naissance du « Rap conscient » ou Rap politique. 1982, c’est aussi la naissance de Public Enemy, un des groupes emblématiques et polémiques du East Coast Rap. Pour ce qui est du son, New York imprime une marque soul et jazz au rap, une couleur sombre, dure, presque froide.

Le East Coast Rap a un petit frère, il est né en Californie dans les années 90. Bien sûr, l’air de famille est évident, mais le petit frère a ses singularités, ses filiations propres. Ce n’est pas une famille paisible.

LeWest coast Rap est musicalement peut-être moins froid, plus funk ; il donne naissance à un courant qui s’insurge contre les dérives doucereuses et consensuelles du Rap : le Gangsta Rap, ou Reality Rap. La musique plus chaloupée, parfois nonchalante porte des paroles souvent violentes. Dr DRE devient un producteur incontournable. La rivalité entre les deux côtes, qui n’est pas qu’artistique mais aussi commerciale, prend une tournure dramatique. L’artiste 2PAC qui incarne le Rap de la côte ouest, alors qu’il est né à New-York, est assassiné en 1996 à Las Vegas après avoir assisté à un combat de Mike Tyson. Notorious BIG, qui incarne le renouveau new- yorkais est assassiné quelques mois plus tard à Los Angeles. Le projet pacifique de DJ Afrika Bambaataa a alors volé en éclat.

Le calme semble être revenu aujourd’hui et les oppositions semblent être partie intégrante d’un folklore du Rap, à l’image de ce que l’on peut voir en France avec la rivalité feuilletonesque qui oppose Booba et la Fouine.

Revenons à la musique, avec une proposition personnelle pour faire la différence entre le son East Coast et West Coast :

Recherchez le clip du morceau « DROP », extrait de l'album "Labcabincalifornia" du groupe Pharcyde, de la côte ouest.  Vous vous demandez comment les rappeurs font pour avoir une telle démarche, une telle gestuelle ?

Les artistes ont interprété l’ensemble du morceau à l’envers, et la bande vidéo a ensuite été lue à l’envers. Tout simplement génial !

Mais finissons cet article avec New-York et le groupe KMD. Leur album Mr Hood sort en 1991. Un son un peu sec, un flow vraiment efficace et une reprise régulière d’extraits d’émissions télévisées des années 60, non sans humour, donnent une couleur vraiment particulière.

Vous écoutez ? Je vois d’ici votre tête qui bat la mesure, d’avant en arrière.

Spot Magazine no 22NEW-YORK

Auteur·e·s :
Lucie Jolivelle & Odile Duplessy, Cindy Brun, Lillian Nobilet, Hélène Baldassin, Annick Boubon, Julien Dafati, Morgane Ranzini, Caroline Mitlas, Patrick Bernard