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L’eau, les rêves et la poussière d’étoiles

Lillian Nobilet

Les océans recouvrent 70 % de la surface de la terre, notre atmosphère contient de la vapeur d’eau et la terre se caractérise par la présence d’eau sous forme de glace. Notre planète est la seule connue à ce jour sur laquelle on trouve de l’eau dans ses 3 états. C’est ce qui a permis l’apparition de la vie. C’est dire si notre avenir en tant qu’espèce est lié au devenir de cet élément à la fois si banal et si précieux…

Valeur d’usage, valeur d’échange

Je me souviens de mon premier cours d’économie politique à l’université (oui c’est vrai, c’était il y a quelques années maintenant, mais le souvenir reste prégnant !). L’enseignant expliquait comment, dans nos sociétés industrielles, la valeur d’usage est complétement décorrélée de la valeur d’échange. Pour illustrer son propos, il compara l’eau à l’or. L’eau, un bien essentiel à la vie a une forte valeur d’usage mais n’a que peu de valeur d’échange. C’est-à-dire que sur le marché un litre d’eau ne vaut pas beaucoup. L’or, sans valeur d’usage ou presque, a lui une grande valeur d’échange, liée notamment à sa rareté.

Vous voyez l’image : un litre d’or VS un litre d’eau ?  

Cette mise en lumière par l’eau de ce paradoxe de nos sociétés marchandes m’a profondément marqué : nous avons fait de l’eau, ressource qui conditionne la vie, un bien sans valeur. Ces quelques lignes visent à montrer au contraire toute son importance. 

L’eau, une origine extraterrestre, une originalité de notre planète

Une première question que nous pouvons nous poser : d’où vient l’eau présente sur notre planète ? Et bien, il semble que cette question n’ait pas encore trouvé de réponse définitive… L’hypothèse d’une apparition de l’eau pendant la formation de la terre n’est plus retenue aujourd’hui par les scientifiques. L’eau est apparue après sa formation, en même temps que d’autre éléments dits volatils, 100 à 150 Ma après la formation du système solaire. C’est ce que les scientifiques appellent le vernis tardif. L’origine de l’eau sur notre planète (comme celle du plomb, autre volatil) est donc extraterrestre. 

L’eau est présente sur l’ensemble de notre surface, et elle a modifié les propriétés physiques des roches de la surface : l’eau est à l’origine de la tectonique des plaques ! Pas mal pour une poussière d’étoile. 

Mais revenons à des temps plus contemporains, et plus tristes. 

Les effets du réchauffement climatique

Le réchauffement climatique ne va pas avoir d’impact sur la quantité d’eau disponible à l’échelle de la planète, mais sur sa répartition, avec une accentuation des tendances actuelles (plus sec là où le climat est aride, plus humide là où il est déjà pluvieux). Il pleuvrait plus en Europe du Nord, moins en Europe du Sud et l’Afrique du Nord. Les tropiques et le sud du Sahara verraient leur pluviométrie augmenter. Comme la répartition de la population humaine dans le monde n’est pas nécessairement corrélée à l’accès à l’eau, les risques de famines dans les prochaines décennies sont importants. La faim plutôt que la soif, car l’eau dont nous parlons est celle qui permet les récoltes. Même si les stocks mondiaux pourraient permettre de nourrir les populations souffrant de famine, le coût des matières premières agricoles dans un contexte de rareté et d’économie mondialisée les rendraient inaccessibles aux plus pauvres. C’est dans ces moments que la valeur d’échange rejoint celle de l’usage. Le blé devient une bouteille d’or. La vie humaine pour le marché reste celle d’une bouteille d’eau. 

Histoires d’eau

Tout cela n’est pas très joyeux me direz-vous. 

Le propos ne cherche toutefois pas à nous faire sombrer dans le catastrophisme ; je suis bien d’accord, il ne faut pas réduire l’eau au Styx, le fleuve des enfers de l’antiquité grecque. Il s’agit plutôt d’une réaction à ce constat de la banalisation, de la dévalorisation. Il faut apprécier à sa juste valeur (d’usage) l’eau, dont notre vie, celle de notre espèce et de tant d’écosystèmes, dépend. 

L’eau c’est la vie, et nous vous proposons dans ce numéro d’en faire la vivifiante expérience. Vous trouverez ainsi dans ces pages, l’eau que l’on boit, l’eau qui nous soigne, l’eau qui nous amuse, qui nous éclabousse ou nous fait voyager. 

Peut-être pourrez-vous alors tel Gaston Bachelard, nous dire : « c’est près de l’eau que j’ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l’intermédiaire d’un rêveur. » L’eau c’est la vie, mais ce sont aussi les songes. Souvenez-vous, elle nous vient des étoiles. Et en ces temps obscurs, qu’y-a-t ’il de plus précieux que la rêverie ? 

Sources :
G. de Marsily, L’Eau, coll. Dominos, Flammarion, 2e éd., Paris, 2000
F. ALBARÈDE, M-L PONS, L’origine de l’eau terrestre, Encyclopædia Universalis
G. BACHELARD, L’eau et les rêves, Essai sur l’imagination de la matière, Bibio essais, le livre de poche, 1993.

Spot Magazine no 18L’eau dans tous ses états

Auteur·e·s :
Lucie Jolivelle & Odile Duplessy, Caroline Mitlas, Hélène Baldassin, Lillian Nobilet, Lucie Jolivel, Annick Boubon, Patrick Bernard