Femmes & sport : un long combat
Hélène Baldassin
Que de persévérance, de chemin parcouru quand on songe aux origines du sport organisé, qui tenait les femmes totalement à l’écart. Des sportives mais surtout du travail, de la ténacité pour pratiquer et entrer dans le monde du sport.
Une histoire de corps dès l’Antiquité
Au fil du temps, l’appropriation du sport par les femmes s’est « naturellement » heurtée aux représentations normatives du corps et de la féminité (la sexualité, la beauté et la maternité). Seules des disciplines dites « gracieuses » (danse, patinage…) permettaient aux femmes d’intégrer quelques compétitions.
La création d’instances officielles a permis aux femmes d’élargir leur champ d’action. Ainsi, au 20e siècle, Alice Milliat, sportive française et ambassadrice du sport féminin, fonde en 1917 la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France (FSFSF) puis la Fédération Sportive Féminine Internationale (FSFI), afin d’offrir aux femmes des compétitions officielles sur d’autres disciplines.
Au début du 20e siècle, naissent les premières sections féminines sportives. Mais le scepticisme des hommes à l’égard des sportives demeure, à l’image de cette phrase prononcée par Pierre de Coubertin en 1912 : « Les jeux olympiques devraient être réservés aux hommes, leur rôle (les femmes) avant tout devrait être de couronner les vainqueurs ».
Ou encore Marc Madiot qui en 1987, face à la cycliste Jeannie Longo, en direct à la télévision osait dire : « C'est complètement inesthétique. [...] Vous vous êtes moches, je suis désolé. Je regarderai le cyclisme féminin le jour où elles mettront des maillots, des cuissards et des chaussures un peu plus jolis. »
Inséparables des luttes féministes, les sportives se sont battues pour pratiquer leur sport, pousser les portes des compétitions, assouvir leur passion souvent en dépit de l’avis des hommes.
De nos jours, à tous les niveaux, sportives professionnelles, postes d’encadrement, entraîneuses, journalistes sportives, des différences persistent entre les hommes et les femmes en matière de pratique sportive et de haut niveau. Il y a encore du chemin à parcourir...
Le vrai combat, c’est celui de la mixité
Le jour où le terme « sport féminin » aura définitivement disparu du vocabulaire populaire, cet ultime combat sera gagné. Ce combat commence au sein même des cours de récréation où la mixité fait souvent figure d’exception. Ainsi, selon la géographe du genre Edith Maruéjouls (qui a observé et étudié les cours de récré pendant 10 ans), l’aménagement des cours d’école participe à la ségrégation entre les garçons et les filles. Avec la présence notamment de terrains de foot, les garçons occupent souvent une place centrale et les filles se retrouvent dans des espaces plus invisibles : les coins. Ainsi, les conséquences d’une telle organisation de l’espace fait que les filles ne se sentent pas légitimes à occuper l’espace public, elles n’auraient pas les mêmes droits.
Dans un article du journal Le Monde, la chercheuse souligne qu’encourager la mixité cela passe aussi par la modification de l’espace même de la cour de récré : il doit être plus modulable afin que chacun se l’approprie. On peut bien sûr toujours jouer au foot, mais le terrain doit perdre sa place centrale, intimidante pour certains afin de devenir un espace comme les autres que filles et garçons puissent s’approprier.
Citons ici pour conclure, l’ouvrage d’Hubert Artus « Girl Power » (que vous trouverez à la médiathèque-ludothèque de votre CSE) : « Hier, le football féminin - Aujourd’hui, le féminin du football - Demain, le football, tout simplement ».
Le saviez-vous ?
Paris 2024 seront les premiers Jeux Olympiques paritaires en termes d'athlètes. Sur les 10 500 athlètes participants, 5250 seront des femmes et 5250 seront des hommes.
Clin d’œil de l’Histoire, c’est à Paris, en 1900, que les Jeux Olympiques s’ouvrirent pour la première fois à la participation des femmes. Elles étaient à l’époque 22 pour 975 athlètes hommes (soit 2%). Que de chemin parcouru !
Au CSE, nous organisons des challenges sportifs mixtes. Pour la 5e année en janvier 2024, nous vous proposons un challenge Soccer. Pour nous parler de la mixité dans le sport et dans le foot en particulier, nous avons échangé avec Marion Rabeyrolle, ancienne capitaine du Clermont Foot et Coordinatrice des études au centre de formation du Clermont Foot
Après 6 ans au Football Club Aurillac Arpajon Cantal Auvergne vous intégrez en 2017 le Clermont Foot en tant que défenseur. Le football n’est pas mixte en compétition. Mais vous est-il arrivé de vous entraîner, ballon au pied avec les joueurs pros du Clermont Foot ? Pensez-vous être sur le même pied d’égalité que l’équipe masculine du Clermont Foot ? Par rapport aux joueurs pros, il est vrai qu’on n’a pas trop de contact car on n’a pas le même niveau ni les mêmes capacités, on ne va pas se le cacher. J’ai joué en mixité quand j’étais plus jeune catégorie 14 ou 15 ans et j’étais la seule fille dans une équipe de garçons. Les filles ont le choix de pratiquer en mixité jusqu'à 15 ans. Aujourd’hui, je suis salariée du club, j’ai pris ma retraite sportive l’an dernier. Je fais du soccer avec les autres salariés qui sont majoritairement des garçons. Je n’observe pour ma part aucune réticence car chacun est convié à pratiquer quel que soit son niveau. Dans le cadre d’un club de foot, majoritairement on ne retrouve que des garçons. La réglementation fait que la mixité disparaît. Il y a aussi la barrière du niveau car entre un joueur pro homme et une joueuse pro femme qui pratiquent en niveau national la physiologie est différente, le jeu a donc moins d’intérêt et le plaisir se perd.
Vous avez fait la couverture du magazine Tribunes en avril 2022 avec le dossier Femmes de Foot. En tant que référente pédagogique, pensez-vous que dans les années à venir les matchs féminins sont aussi suivis que les matchs masculins ?
Je l’espère tout du moins je pense que le foot féminin est en train de se développer même si on est en retard par rapport au US . Il y a aujourd’hui des centres de formations pour les pôles féminins et donc les moyens financiers sont mis pour rentrer en compétition, ainsi on développe le sport féminin et donc la visibilité. Les derniers matchs ont bien été suivis. Même si ça prend du temps, on est sur le bon chemin !
Le CSE organise des challenges Soccer chez Clermont Five. Au fil des éditions Soccer, de plus en plus d'équipes mixtes. N’exagérons rien en 2022 sept femmes étaient présentes et heureuses de jouer au foot en salle. Le 19 et 26 janvier 2024, deux challenges Soccer sont organisés, quels conseils, entrainement pourriez-vous souffler aux femmes qui désirent venir jouer ? Il faut passer la porte d’un soccer et oser venir pratiquer. Aujourd’hui les mentalités changent sur la place de la femme dans le sport, et s’il n’y a pas de femmes qui osent passer le cap on n’y arrivera pas. Il faut oser venir et prendre part à la partie, le soccer ne demande pas les mêmes efforts que sur un terrain extérieur. Il faut entrer pour découvrir ses capacités ! C’est aussi l’occasion de passer un bon moment et on voit aussi un autre aspect de la collaboration en entreprise via d’autres rapports humains. On apprend à développer d’autres relations qui peuvent aussi rendre le travail plus simple et la communication plus fluide. C’est ça le leitmotiv, c’est pour tout ce qui se passe tout autour : environnement, convivialité, partage. Et s’il manque une joueuse je peux venir aussi !
Merci Marion pour cet échange et au plaisir de vous retrouver le 19 ou 26 janvier chez Clermont Five.
À propos de ces challenges, nous avons discuté avec Marie Pelamatti, adhérente au CSE et participante de la première heure de ces tournois de soccer.
Depuis la 1re édition en 2018, vous répondez toujours présente pour jouer en équipe mixte au Soccer. Parlez-nous de vous. Aviez-vous déjà joué au foot auparavant, dans quelles circonstances ? J’ai commencé à jouer au soccer quand j’ai commencé à travailler chez Michelin il y a 12 ans et en équipe mixte. Avec mes collègues, on joue au soccer une fois par mois, c’est devenu un rituel. J’ai une place identique à celles des autres, ils m’acceptent volontiers, je ne suis pas privilégiée.
Vous êtes encore à ce jour peu de femmes à participer à ces challenges : 2 en 2018 et 2019 puis 4 en 2021 et enfin 7 en 2023, pourquoi selon vous ? C’est compliqué de convaincre les collègues femmes, celles qui pratiquent déjà du sport sont plus faciles à convaincre, mais elles appréhendent le niveau et craignent de mal jouer. Peut-être qu’il faudrait d’abord des moments pour découvrir le soccer dans un premier temps.
Serez-vous parmi nous lors de la 5e édition Soccer le 19 ou 26/01/2024 pour tenter de remporter la coupe ? Bien sûr, c’est prévu au programme. C’est super qu’on autorise la mixité, j’en suis ravie !
Merci Marie et bon challenge à vous !