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Des auvergnates qui ont fait l’Histoire !

Cindy Brun

Elles étaient notables, patronnes, sage-femmes ou militantes, qu’elles soient connues, très connues ou injustement inconnues : voici l'histoire de quatre Auvergnates dont le parcours a marqué l’Histoire.

La Comtesse G., première magistrate de Montferrand

Bien que son prénom se soit perdu dans les méandres d’une administration moyenâgeuse naissante, épouse du comte Brayère, on ne retiendra dans les archives locales, que l’initiale de son prénom : le « G » précédé du titre de Comtesse. Pourtant, ses décisions ont façonné la ville que l’on connaît encore aujourd’hui. Avec son fils, elle renforça l’enceinte de la ville, releva les défenses du château, protégea et développa les fondations hospitalières. Surtout, elle octroya une charte très libérale pour l’époque qui donnait aux montferrandais beaucoup d’avantages fiscaux. Le territoire de la ville fut découpé en lots de mêmes longueurs et obligation était faite aux acquéreurs de construire leurs bâtiments alignés sur les rues imaginées. Le tracé de Montferrand, en plan orthogonal avec ses rues à angles droits se dessine ainsi dès la fin du XIIe siècle. Toute personne pouvait librement s’installer dans la ville et y recevoir un lot de terre moyennant le paiement d’une taxe fixe au comte. Quant aux serfs, non libres, ils pouvaient bénéficier de la même possibilité si personne ne les réclamait après un an et un jour. Des lots constructibles furent distribués gratuitement aux nouveaux venus attirant ainsi de nombreux marchands, qui dynamisèrent le commerce en créant des foires de grande renommée et firent de Montferrand une cité prospère pendant des siècles. Le comte gardait la justice sur la ville, mais les habitants bénéficient d’une grande autonomie de gouvernement. Ils vont alors élire, chaque année, des consuls chargés de faire respecter les clauses de la charte. Cette charte fut par la suite un exemple dans toute la France. À sa mort en 1199, la Comtesse G. fait une grosse donation à la léproserie d'Herbet qui est alors la plus importante institution de la région. Il a été colporté que la comtesse G. en était elle-même porteuse à la fin de sa vie. La rumeur dit aussi qu’elle a été une ogresse et qu’elle tentait de se soigner au sang de jeunes filles… (ô ironie !) légendes que l’on retrouve souvent réservées aux femmes puissantes dans l’Histoire !

Elizabeth Pugh Barker, une histoire d’amour et de balles en caoutchouc

Elisabeth Pugh-Parker est la nièce de Charles Macintosh, un Écossais qui découvre dès 1824 que le caoutchouc, soluble dans la vaseline, peut donner une pâte imperméable dont il fait des vêtements. Elle loge à Paris durant ses études, chez Mme Daubrée. Le fils, Édouard, en tombe amoureux et ils se marient. Le couple s’installe à Clermont-Ferrand où Édouard Daubrée créé en 1832 avec son cousin, Aristide Barbier, une entreprise de machines agricoles. En souvenir des balles rebondissantes que lui confectionnait son oncle, Elisabeth entreprend d'en fabriquer elle-même dans les ateliers de son mari et de les vendre aux écoles et pensionnats de la région. Aussi, et grâce à ses suggestions, l'entreprise se diversifie dans la production de petites pièces en caoutchouc (joints, billes, tuyaux...). Une initiative qui introduit durablement le caoutchouc à Clermont-Ferrand. L'entreprise Barbier-Daubrée va se développer considérablement pendant plus de 40 ans. Vers 1850, la fille d'Aristide Barbier épouse un certain Michelin... vont naître de cette union André et Edouard. Les deux frères reprendront la société de leur grand-père maternel pour créer en 1889… Michelin et Cie !

Angélique du Coudray, révolutionne les accouchements

Jusqu'au début du XVIIIe siècle, en province, les femmes accouchaient assistées par des « matrones », souvent des voisines ou des membres de la famille. Elles s’appuyaient sur un savoir très empirique et essentiellement basé sur des superstitions. Il y avait alors encore une très forte mortalité infantile dans le pays. Angélique du Coudray est née à Clermont-Ferrand en 1712 dans une famille de médecins. En 1739, elle reçoit le diplôme royal de sage-femme jurée. Elle exerce une dizaine d’années à Paris puis revient en Auvergne en 1754. Là, elle réalise l’étendue de la méconnaissance de l’art de l’accouchement et l’ignorance souvent fatale des matrones. Elle va tenter de transmettre les bonnes pratiques aux accoucheuses. Son vocabulaire scientifique, technique, même en patois, s’avère cependant trop difficile pour beaucoup de ses élèves. Pour dispenser ses connaissances, elle va rapidement entreprendre d’écrire un ouvrage, L’Abrégé de l’art de l’accouchement, publié en 1759, qu’elle rend intelligible grâce à des dessins anatomiques. Et pour allier la théorie à la pratique, elle invente « La machine » : mannequin de démonstration en tissu, représentant de manière très détaillée le bassin d’une femme enceinte. Véritable prouesse technique, cet outil permet de montrer de manière très concrète comment procéder aux arts de l’accouchement. Le mannequin sera approuvé par l’Académie de chirurgie et un an plus tard, le roi Louis XV lui octroie un brevet royal, qui lui permet de dispenser son enseignement dans toute la France. Pendant 25 ans, malgré ses propres soucis de santé, elle sillonnera le pays et formera près de 5 000 sages-femmes ainsi que 500 chirurgiens. L'enseignante obtiendra que ses cours débouchent sur la délivrance d’un certificat, ouvrant la voie à la professionnalisation du métier de sage-femme. Elle fera également ouvrir dans beaucoup de grandes villes des maisons de maternité. Véritable pionnière, ses formations ont permis un accroissement net de l’espérance de vie des nouveaux-nés.

Hubertine Auclert, la suffragette française

Née en 1848 à Saint-Priest-en-Murat (Allier), Hubertine Auclert grandit dans une famille d'agriculteurs aisés. Son père, républicain convaincu, s’oppose à la prise du pouvoir par le futur Napoléon III, et sa mère s’engage pour la défense des filles-mères, alors mises au ban de la société. (C’est dire de son caractère !). à la mort de ses parents, elle devient indépendante financièrement et part pour Paris en 1873. Avec ses talents de journaliste, elle est remarquée par Victor Hugo qui la fait entrer au journal l'Avenir des femmes. Elle s'engage dans le mouvement pour défendre, de manière plus radicale, le droit des femmes et en particulier le droit de vote. La jeune femme ne conçoit pas "qu'un domestique de ferme puisse avoir le droit de vote et pas la maîtresse". Dès 1880, elle passe à l’action et inventant avant l’heure le happening féministe politique. Dans les mariages, elle provoque des tollés lorsque le maire lit la déclaration du code civil “ La femme est soumise à son mari à qui elle doit respect et obéissance. “… ne comptant plus le nombre de ses passages en commissariat.  Elle décide également de présenter une liste féminine aux élections municipales de Paris. Evidemment, celle-ci est refusée. Hubertine Auclert déclenche alors une grève de l’impôt partant d’une logique implacable : si l’administration exclut les femmes quand il s’agit de voter, elles ne devraient alors pas être imposables ! En 1910, elle se présente comme candidate aux élections législatives. Candidature encore rejetée ! Mais toujours combative, elle appelle alors les femmes à boycotter le recensement, avec cet argument : "Si nous ne comptons pas, pourquoi nous compte-t-on ?" Avec un siècle d’avance, elle se bat pour la féminisation de la langue. "L’omission du féminin dans le dictionnaire - écrit-elle - contribue, plus qu’on ne le croit, à l’omission du féminin dans le Code civil". Hubertine Auclert meurt le 8 avril 1914 sans voir instituer le droit de vote aux femmes (voté en 1944). Pourtant, grâce à ses nombreuses actions, les vendeuses et ouvrières obtiennent le droit de s’asseoir au travail. En 1907, les femmes deviennent électrices puis éligibles au conseil des prud’hommes. Et en 1908, les Françaises mariées obtiennent le contrôle de leurs propres salaires. Chapeau quand même !

Pour aller plus loin, les médiathécaires de votre CSE vous invitent à lire : « Femmes dans l'histoire : Auvergne, Bourbonnais et Velay » de Jérôme Baconin, aux éditions Sutton, 2020

(Sources : Service Patrimoine de la Ville de Clermont-Ferrand, L’Aventure Michelin, Radio France et Jérôme Baconin)

Spot Magazine no 29WE CAN DO IT

Auteur·e·s :
Odile Duplessy, Cindy Brun, Morgane Ranzini, Lillian Nobilet, Hélène Baldassin, Michel DESORMIÈRE