L'histoire de la petite reine
Caroline Mitlas
Au moment où j’écris ces lignes nous sommes à J-100 avant le départ du tour de France Femmes depuis Clermont-Ferrand et à quelques semaines avant le passage du Tour de France hommes au cœur de notre région avec l’arrivée de la 9e étape au sommet du Puy de Dôme. Au CSE on s’est dit que c’était l’occasion de faire un zoom sur la bicyclette, le cycle, le deux-roues, le vélocipède ou encore la bécane, le clou...bref, le vélo ! Ainsi, on vous propose dans ce dossier central, et dans tout ce numéro spécial, d’enfourcher votre biclou et de venir pédaler joyeusement avec nous à la (re)découverte de cet objet si familier.
À l’heure où les rues des villes sont investies par les cyclistes en tout genre : vélotaffeurs, livreurs, cyclotouristes... On vous propose ici de retracer, dans les grandes lignes, l’histoire de ce moyen de transport longtemps très populaire en France.
Si aujourd’hui la draisienne constitue le premier rapport au vélo chez les tout-petits, elle fut aussi l’ancêtre du vélo en France. Pour la petite histoire, en avril 1818, au jardin du Luxembourg, le jeune baron allemand Karl Drais von Sauerbronn exhibe sa « machine à courir » (laufmaschine) : un cadre en bois, un guidon et deux roues permettent alors tout de même d’atteindre une vitesse de 14km/h. Ce fut un vif succès dans les milieux aristocratiques. L’engouement sera néanmoins éphémère et le baron Drais sera moqué par la suite pour son invention.
En 1861, Pierre Michaux, carrossier et serrurier, âgé de 19 ans, circule pourtant en draisienne. La fatigue générée par la nécessité de garder les jambes en l’air une fois l’impulsion de départ donnée fait germer en lui une idée. C’est en 1868 qu’il brevette un vélocipède à pédales : la Michaudine. Ses ateliers se reconvertissent et 300 ouvriers se mettent à l’ouvrage pour fabriquer des vélocipèdes, c’est la naissance de la Compagnie parisienne des vélocipèdes. Cependant, le vélo reste l’apanage des privilégiés puisqu’il coûte alors 7000 euros actuels.
Changement de braquet au fil des années pour passer de la vitesse artistocrate à la vitesse bourgeoise avec la multiplication des fabricants, la première course (Paris-Brest-Paris) et l’arrivée de l’automobile. Soulignons que l’invention de Michaux sera perfectionnée par l’Anglais Harry John Lawson qui invente en 1880 le vélocipède moderne avec une roue arrière motrice entrainée par une chaîne et un pédalier. En 1888, John Boyd Dunlop invente le pneumatique qui sera vite perfectionné par les frères Michelin.
Au 20e siècle, la bicyclette devient le moyen de transport de la classe populaire. Les élites se tournant vers l’automobile, le vélo devient le véhicule du paysan, de l’employé ou encore de l’ouvrier. Le vélo facilite les déplacements quotidiens, il devient plus accessible et certains même l’enfourcheront pour leurs premiers congés payés en 1936. En 1903, le Tour de France et ses « cyclistes prolétaires » offrent au public une course sans égal sur les routes de l’Hexagone. Pendant l’Occupation, le vélo et sa discrétion sert les résistants alors que le régime de Vichy en fait l’éloge mais lui pour des raisons d’hygiénisme.
Les Trente Glorieuses et le règne de l’automobile font peu à peu disparaître les vélos des villes qui deviennent d’ailleurs dangereuses pour sa pratique. La bicyclette reste utilisée par celles et ceux qui ne peuvent pas s’offrir d’auto, elle devient alors stigmatisante, c’est le véhicule du pauvre.
Cependant, dans les années 1970, certains prennent conscience des limites de la société de consommation et d’une croissance infinie sur une planète finie. Le vélo incarne alors un symbole chez les écologistes. En 1972, Paris voit défiler la première manifestation à vélo organisée par les Amis de la Terre. La pratique du vélo reste cependant encore réservée aux loisirs, son utilisation comme moyen de transport est marginale et réservée aux urbains, et la tendance concerne surtout les catégories aisées pour le moment.
Mais l’histoire du vélo continue et un cycle nouveau semble s’amorcer...
Source : Hors-série GEO n°37 - Juin-Juillet 2022 Paru le 1 juin 2022. Disponible à la médiathèque du CSE !