La Comédie, une scène vivante qui s’ouvre aux populations.
Lillian Nobilet
Le 4 septembre 2020 était inaugurée La Comédie, scène nationale. Jean-Marc Granger, après 18 ans de direction, voyait enfin ce projet arriver à son terme. En 2021, Céline Bréant reprend le flambeau.
Nous sommes allés la rencontrer pour qu’elle partage avec nous son parcours, et surtout la place qu’elle souhaite donner à La Comédie dans la diffusion des arts vivants.
La discipline de cœur de Céline Bréant est la danse ; c’est elle qui guide ses choix d’études et qui trace les premières années de son parcours professionnel et artistique. Et les suivantes. Cette passion la conduit à la fonction de directrice de la programmation au sein des Hivernales, le Centre de Développement Chorégraphique National (CDCN) d’Avignon. Puis ce sera la direction du Gymnase, le CDCN de Roubaix. Ces expériences dans des fonctions de direction de ces grandes structures publiques pour la diffusion de la danse contemporaine font naître un paradoxe : le sentiment d’une grande maîtrise, voire d’une expertise de son sujet, se double progressivement d’une certaine perte d’enthousiasme, voire d’un sentiment d’enfermement. Peu à peu l’expérience acquise, et la connaissance experte comme corollaire, amène à savoir la danse avant que de l’éprouver, à la comprendre avant que de la ressentir… On devine le doute, une crainte : et si le charme se rompait ?
L’appel à candidature pour la direction de La Comédie diffusé en 2020 apparaît alors comme l’opportunité d’un renouvellement, d’un réenchantement. C’est une structure qui impose, en effet, une pluridisciplinarité. Il faut emprunter des chemins théâtraux moins connus. La candidature se fait sans trop y croire, pour voir, avec une première ébauche d’un Projet Ouvert aux Populations. La sélection dans la short-list des candidatures mobilise, et le POP affiné est finalement retenu.
L’onomatopée-acronyme laisse deviner qu’il n’est pas question d’un projet muséographique ou de valorisation d’un patrimoine. Il y a de l’effervescence, ça pétille, ça crépite. Pour Céline Bréant, POP repose sur un premier principe fort : la scène nationale doit être un lieu au sein duquel se tricotent des pratiques culturelles pointues, savantes avec des pratiques populaires, accessibles aux non-initiés. Des pièces telles que Bacchantes, prélude pour une purge (qui a même surpris le public habitué) et un bal populaire ont la même légitimité à La Comédie, et contribuent à ce que les populations se croisent.
Les « populations », plus que les «publics ». Céline Bréant y tient. La programmation ne s’adresse pas qu’aux habitués, aux initiés, mais à toutes et tous et peu importe si les rencontres n’impliquent pas toujours fidélisation : il y aura eu instauration d’un dialogue. La Comédie scène nationale est un service aux populations.
Attention, pas de méprise : l’idée n’est pas de cumuler des speed-dating avec un public qui ne reviendrait jamais. Au contraire. L’ambition est même de créer la participation. C’est dans cet esprit que Bérénice Legrand par exemple est devenue artiste associée. Elle est une artiste au parcours professionnel inscrit dans la pratique de la danse et au sein de services de relation au public d’établissements culturels. Dès lors, la relation au public est devenue un point central de son travail créatif ; les lignes regardants-regardés sont brouillées, décalées. Le spectacle Rock The Casbah, présenté la saison dernière, a été porté par des adolescentes et des adolescents volontaires, sans nécessairement pratique de la danse, qu’elle avait accompagné·es pendant un an. Une jeunesse, pas toujours habituée de La Comédie, y est entrée en prenant possession de la scène. Le résultat était d’une force et d’une émotion incroyable. Au-delà de la fidélisation, ce type de démarche vise à un élargissement des populations qui se rendent à La Comédie.
L’élargissement passe aussi par une désacralisation du lieu en lui-même, pour en faire un lieu public au sens plein du terme. Ce grand et magnifique hall, un peu imposant, voit ainsi un public de plus en plus nombreux qui vient pour se reposer, flâner, lire. Des événements comme le week-end Playtime, en échos avec les journées du patrimoine et l’Étonnant Festin qui propose des spectacles et des animations, participent de cette dynamique. La Comédie devient un lieu populaire.
Nous abordons la faiblesse de la relation aux CSE, même si le CSE Michelin fait un peu figure d’exception avec notamment le spectacle de fin d’année. C’est du côté des entreprises que la collaboration est la plus avancée, particulièrement en lien avec le mécénat, via les fondations d’entreprise. Michelin bien-sûr, ou encore Théa mais aussi plus récemment la Fondation Hermès, partie prenante du festival itinérant Transforme. Celui-ci se décline à Paris, Lyon, Rennes et donc à Clermont Ferrand où seront proposés 5 spectacles pluridisciplinaires. Un nouvelle fois nous faisons le constat que les enjeux culturels sont aujourd’hui plus saisis par les entreprises via leur fondation que par les CSE, dont c’est pourtant une des vocations premières…
C’est l’occasion de revenir sur un projet que le CSE Michelin avait souhaité porter, mais auquel la crise sanitaire avait mis un terme. Il s’agissait de constituer un groupe d’une quinzaine d’adhérents auquel serait proposé un parcours sur une année de découverte du spectacle vivant à La Comédie, avant de vivre un séjour au festival d’Avignon avec les CEMÉA, partenaire du CSE de longue date, et partie prenante du Festival depuis 1959 après une sollicitation de Jean Vilar. Chiche ?